Article paru dans Faire comme si tout allait bien, collectif dirigé par Anne Bertrand, Hervé Roelants et Stephen Wright, Centre des arts actuels Skol/Association Rhinocéros co-éditeurs, Montréal/Strasbourg, 2008. FR/EN
Avec une reproduction de Praguer Sraße, Otto Dix, 1920, huile et collage sur toile (101 x 81 cm), Galerie des Stadt Stuttgart.
Faire comme si tout allait bien
Faire comme si tout allait bien / As if all were well sur le site de Skol
Faire comme si tout allait bien était conçu à l’occasion des vingt ans de Skol — vingt années à travers lesquelles l’art a changé de fond en comble. Tout en se penchant sur les projets dans leur diversité qui s’y sont déroulés en 2006, cette publication est davantage qu’un almanach de plus. C’est un ouvrage délibérément hétérodoxe, destiné à un lectorat plus large que les seuls usagers de Skol, expérimental dans sa composition collective ainsi que dans le vocabulaire conceptuel qu’il se propose d’employer.
Au fond, cet ouvrage cherche à ouvrir des pistes lexicales, conceptuelles et pratiques pour repenser nos usages de l’art. Que nous soyons artistes, spectateurs, amateurs, auteurs, participants, producteurs ou récepteurs, nous sommes avant tout des usagers de l’art, et il est peut-être temps — face à une culture de l’expertise qui dicte les conventions — de contester cette division du travail, fondée sur les binaires, qui entrave le libre développement de l’art. Non pas en les contestant frontalement, mais encore une fois, en changeant légèrement mais stratégiquement leur usage.
Un leitmotiv de Faire comme si tout allait bien était la volonté d’interroger un éventuel nouveau collectivisme dans l’art. Or au lieu de se contenter d’évoquer le mantra de la collaboration, cet ouvrage active celle-ci, la met en oeuvre et la réfléchit. N’est-on pas d’abord frappé par la fragilité de toute initiative collective, par la place de l’art dans une société obsédée par la rentabilité, l’efficacité comptable ? Mais ce sentiment, bien palpable, de fragilité ne doit pas être prétexte à la prudence théorique ou pratique (de toutes les formes de prudence, celle dans la création est peut-être la plus fatale à l’avènement de nouvelles manières de sentir et d’être ensemble). Bien au contraire, et sans paradoxe aucun, elle doit être source d’audace. De la fragilité, le philosophe Miguel Benasayag écrit qu’elle est «la condition de l’existence : nous ne sommes pas convoqués au lien, ni avec les autres, ni avec l’environnement, nous sommes liés, ontologiquement liés.»
Présentation, Faire comme si tout allait bien,Stephen Wright
As if all were well
As if all were well was conceived to commemorate Skol’s twenty years of existence — two decades in the course of which art has changed through and through. Even as it takes a closer look at the projects, in their diversity, which took place at Skol in 2006, this publication is more than just another almanac. It is a deliberately heterodox assemblage of essays and images, an exhibition of ideas aiming at a broader readership than the Skol’s usership alone, experimental both in the conceptual vocabulary that it seeks to use and to define.
Ultimately, this issue hopes to open up lexical, conceptual and practical avenues for rethinking how we use art — on the understanding that there exists a substantive form usage irreducible to its instrumental variant. Whether we see ourselves primarily as artists, viewers, enthusiasts, authors, participants, producers or receptors, we are all art users, and it is perhaps time — indeed high time, in the face of the expert-led culture that dictates convention — to challenge this division of intellectual labour, based on binaries, that hinders the free development of art. Not by confronting it head-on, but once again by shifting, gently yet strategically, its usage.
One leitmotiv of As if all were well has been the desire to consider the eventuality of a renewed interest in collectivism in art. But instead of merely evoking the mantra of collaboration, this publication performs it, both implementing and questioning its different forms. Is there not something quite striking about the fragiliy of any collective initiative, just as there is about art’s place in a society hell-bent on cost-benefit analysis and profit-driven efficiency? Yet this feeling of fragility, however palpable and widespread, must never become an alibi for caution or prudence in either theory or practice (of all forms of caution, that which pertains to creation is perhaps the most fatal to the advent of new ways of feeling and being together). On the contrary, and without any paradox whatsoever, fragility must be a source of audacity. Of fragility, the philosopher Miguel Benasayag has written that it is « the very condition of existence: we are not summoned to establish a bond either with other people or with the environment, we are bonded together — ontologically bonded. »
Presentation, As if all were well, Stephen Wright