La Clôture et la faille

Livre numérique et série de photographies argentiques originales de l’auteure, Éditeur Louise Lachapelle, 2014.


CRÉDIT : Photographies de Louise Lachapelle, Première photo, Deuxième photo et Troisième photo, Moscou, mai 1994

La Clôture et la faille est un essai sur l’éthique, sur l’art et la question du don. Ce livre propose un questionnement sur les enjeux éthiques et esthétiques du projet créateur en relation avec des formes variées de pratiques artistiques et culturelles contemporaines (performance, peinture, installation, photographie, cinéma; art thérapie, don du sang; Karmel, architecture, rituels, mémoriaux, expositions, milieux urbains et environnement bâti).

Des expressions inédites de l’exigence éthique apparaissent au cours de la modernité et inquiètent la relation à la culture et la pratique de l’art. La Clôture et la faille se tourne donc vers un présent où il ne va pas de soi que l’on dispose, aujourd’hui plus qu’alors, de ce qui aiderait à soutenir dans une forme d’art la nécessité de l’action et l’incertitude de l’agir. L’exigence du don agit-elle sur les conditions et les formes de la pratique créatrice?

Le titre de l’essai renvoie à deux motifs architectoniques en tension l’un avec l’autre. Ce serait en quelque sorte se placer à l’intérieur de la clôture et se demander si elle n’est pas aussi la faille. Ce qui rend possible une activité dont on préfère parfois penser qu’elle se met hors la vie, par commodité peut-être ou pour en apparence être capable de vivre. Le durcissement d’un geste qui trouverait ses conditions de possibilité dans la clôture, dans le fait de se voir si distinctement autre devant l’état du présent, plutôt que de fragiliser ses formes auprès de la vie en tant qu’inquiétude éthique. Faiblesse éthique convertie en nécessaire autonomie, la clôture nie la faille.

La problématique du don constitue un motif critique de cette étude où la question de l’art comme geste éthique est posée dans la perspective du processus créateur.

 

Anne-Marie Alonzo, directrice des Éditions Trois, projetait de publier La Clôture et la faille en 2005. Le manuscrit, qui avait d’abord été présenté comme exigence partielle du doctorat en études littéraires de l’Université du Québec à Montréal (2001), avait été retouché en vue de cette publication.

L’accueil de cet essai par une maison de poésie et par l’éditrice des travaux de René Payant semblait si approprié pour ce livre que le projet de publier ce livre et de le publier ailleurs a tardé après le décès d’Anne-Marie et la fin des activités des Éditions Trois.

C’est finalement l’autoédition qui a été privilégiée.

La Clôture et la faille
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CRÉDIT : Photographie (détail), Andy Goldsworthy, Kiinagashino-Cho Japon 27 novembre 1987

Un coin quelconque de n’importe où

La Clôture et la faille (I)
La problématique du don, motif éthique et critique de cet essai sur les enjeux éthiques et esthétiques du projet créateur
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CRÉDIT : Photographie (détail), Roman Opalka, Détail 1 – 35327

Si on peut appeler renoncement le simple fait de rester couché sur un balcon

La Clôture et la faille (II-a)
Étude de la démarche du peintre Roman Opalka
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CRÉDIT : Dessin, Andreï Tarkovski, La maison que je n’habiterai jamais (détail)

La maison que je n’habiterai jamais

La Clôture et la faille (II-b)
Étude de la démarche du cinéaste Andreï Tarkovski
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CRÉDIT : Photographie, Louise Lachapelle,  La clôture et la faille (détail)

Qui habite les grues ?

La Clôture et la faille (III)
Le Karmel, Berlin et l’art, comme geste inquiet et comme éthique
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La Clôture et la faille est un essai sur l’éthique, sur l’art et la question du don. Ce livre propose un questionnement sur les enjeux éthiques et esthétiques du projet créateur en relation avec des formes variées de pratiques artistiques et culturelles contemporaines (peinture, installation, photographie, cinéma, performance; art thérapie, don du sang; Karmel, architecture, rituels, mémoriaux, expositions, milieux urbains et environnements bâtis).

Le titre de cet essai renvoie à deux motifs architectoniques en tension l’un avec l’autre. Travailler avec des matériaux tels que le Karmel, Berlin et l’art, ce serait en quelque sorte se placer à l’intérieur de la clôture et se demander si elle n’est pas aussi la faille. Ce qui rend possible une activité dont on préfère parfois penser qu’elle se met hors la vie, par commodité peut-être ou pour en apparence être capable de vivre. Le durcissement d’un geste qui trouverait ses conditions de possibilité dans la clôture, dans le fait de se voir si distinctement autre devant l’état du présent, plutôt que de fragiliser ses formes auprès de la vie en tant qu’inquiétude éthique. Faiblesse éthique convertie en nécessaire autonomie, la clôture nie la faille.

La problématique du don telle qu’elle s’énonce dans une réflexion sur l’art thérapie proposée par l’historien de l’art René Payant s’avère une sorte de matrice de cette étude. Chez Payant cependant, la question du don sert avant tout à consolider l’identité sociale de l’œuvre d’art à un moment où, concernant l’art, rien ne va plus de soi. La Clôture et la faille retient plutôt la rencontre de l’éthique comme moment-charnière: intérioriser la nécessité du don serait l’une des modalités de l’irruption de l’enjeu éthique dans l’activité créatrice et, devant cette exigence, le fait que le matériau de la créativité reçoive ou non forme d’art n’est pas ce qui importe. Le don excéderait le travail créateur, il ouvrirait l’être et sa pratique à la circulation du vivant. C’est pourquoi la problématique du don se voit aussi attribuer une fonction critique dans cet essai. L’exigence du don agit-elle aujourd’hui sur les conditions et les formes de la pratique créatrice ?

Dans Un coin quelconque de n’importe où (La Clôture et la faille I), qui correspond à la première partie de cet essai, la problématique du don constitue un point de convergence disciplinaire qui favorise l’articulation de l’esthétique, de l’éthique et de l’histoire de l’art, de la sociologie, de l’anthropologie et de l’économie. Cette interdisciplinarité permet non seulement de mettre en relation les différentes pratiques du don qui font habituellement l’objet d’analyses dans les champs de la sociologie ou de l’anthropologie, mais aussi de considérer, dans la perspective du don, l’économie de l’activité créatrice, le caractère processuel du travail avec le matériau, la relation à soi et au destinataire, les formes diverses qui conduisent parfois cette activité vers l’espace public. Don du sang, don dangereux, don irrecevable; le sang du sacrifice réconciliateur, de la rivalité et de l’obéissance; communauté de sang, sang étranger. Les matériaux de ce travail orientent la réflexion vers un point où la relation entre l’art et le don – les limites, les forces, la violence de certaines de ces pratiques – renvoie à cette stricte économie des vies et des morts à la base de toutes les formes d’échanges: pour vivre il faut (encore) tuer, une économie que la culture parvient presque toujours à voiler, une dimension originaire de la culture que l’on admet difficilement et que même Auschwitz ne serait pas parvenu à désigner. Ce n’est pas sans conséquences sur notre relation à la culture et sur la pratique créatrice.

Des expressions inédites de l’exigence éthique apparaissent en effet au cours de la modernité et elles placent comme jamais auparavant la pratique de l’art devant l’inquiétude éthique. C’est en particulier dans les démarches du peintre Roman Opalka (La Clôture et la faille II-a) et du cinéaste Andreï Tarkovski (La Clôture et la faille II-b), auxquels la seconde partie de l’essai consacre à chacun une étude, Si on peut appeler renoncement le simple fait de rester couché sur un balcon et La maison que je n’habiterai jamais, que se reconnaissent certaines expressions de cette tension entre la clôture et la faille. Opalka et Tarkovski perçoivent, depuis leurs pratiques respectives, cette transformation radicale des conditions de possibilité de l’art que décrit Adorno et font diversement l’expérience de ce moment de décision qui place l’artiste, et potentiellement chacun d’entre nous, devant la question Que faire ?, une inquiétude à laquelle semble parfois nous soustraire le il faut de la règle.

En guise d’avant-propos, Un anneau de fer dans un mur rappelle le constat que livre Adorno notamment au début de Théorie esthétique : « L’art a perdu son caractère d’évidence », « ce qui concerne l’art […] ne va plus de soi, pas même son droit à l’existence ». La Clôture et la faille partage ce constat et tente d’en radicaliser l’enjeu dans le contexte d’un questionnement sur les formes de l’activité artistique et, d’une manière plus générale, sur les formes de la culture, considérées non pas essentiellement en termes de production d’un objet, mais comme relation, comme geste inquiet, comme éthique. Dans cette perspective, la portée critique des travaux d’Adorno n’est donc pas ramenée à une dénonciation des pratiques et des traditions philosophiques, artistiques ou scientifiques qui viserait ultimement à les sauvegarder.

C’est principalement la dernière partie de l’essai, Qui habite les grues ? (La Clôture et la faille III) qui revient vers le travail d’Adorno et vers ce qui compromet d’une manière fondamentale nos pratiques et les conditions de leur autonomie en exigeant que l’on assume critiquement l’échec de la culture comme promesse réconciliatrice, comme apaisement de l’hostilité et de la violence: le fait que l’existence ne devienne pas forcément humaine par les formes de sa culture.

La Clôture et la faille est un livre tourné vers le présent, un présent où il ne va pas de soi que l’on dispose, aujourd’hui plus qu’alors, de ce qui aiderait à soutenir dans une forme d’art la nécessité de l’action et l’incertitude de l’agir.

Louise Lachapelle

Série de photographies argentiques originales de l’auteure, tirée de La Clôture et la faille, Berlin, Allemagne, 1997 et 1999.